Pères & Docteurs de l'Eglise au Val-de-Grâce
En cette année 2004 nous allons fêter le 1400e anniversaire de la mort de saint Grégoire le Grand et le 1650e anniversaire de la naissance de saint Augustin. Avec saint Ambroise et saint Jérôme ils sont représentés en quatre médaillons de la chapelle du Saint Sacrement de notre église du Val de Grâce. Ils sont considérés comme les quatre plus grands parmi les Pères latins de l'Eglise. Par ce titre on désigne les auteurs chrétiens compris entre le IIe et le VIIe siècle, dont la Tradition a reconnu l'autorité doctrinale. Les Pères se distinguent des Docteurs de l'Eglise (même si on trouve parmi ces derniers une dizaine de Pères) qui recouvrent toute l'histoire de l'Eglise.
Les Docteurs sont au nombre de trente trois avec seulement trois femmes (sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d'Avila et sainte Thérèse de Lisieux) mais, comme aurait pu le dire un de mes professeurs de séminaire, chacun d'elles vaut bien dix hommes ! Les Pères de l'Eglise (latins et grecs) sont une cinquantaine. Nos quatre grands Pères de l'Eglise latine sont également Docteurs de l'Eglise.

Saint Grégoire I dit le Grand - né à Rome en 540 dans une famille patricienne - d'abord préfet, puis moine, diacre (579), légat du pape à Constantinople, fut élu pape le 3 septembre 590. Sa double expérience d'administrateur et de moine en fit un modèle de pasteur. Il rédigea d'ailleurs pour les évêques une "Règle pastorale" qu'ils peuvent aujourd'hui encore lire avec profit. Son souci missionnaire le poussa, en 596, à envoyer des bénédictins romains pour achever l'évangélisation de la Grande-Bretagne. Il quitta cette terre en l'an 604. Son amour de la liturgie et du chant religieux a fait qualifier de "grégorien" le chant propre à la liturgie romaine.

L'oeuvre de Saint Augustin est immense (plus de cent dix titres), sa personne très attachante. Il est relativement aisé de prendre contact avec elle car, dans son ouvrage le plus célèbre, Les Confessions, il relate son cheminement de son enfance à sa conversion. Son but, certes, n'est pas de se raconter complaisamment, mais de "confesser" le Dieu d'amour et sa providence prévenante : "Confesser signifie louer Dieu et des maux dont il m'a délivré et des biens que m'a donnés le Dieu juste et bon".
Il raconte, par exemple, l'histoire d'un vol commis au cours de son adolescence, qui peut paraître bien anodin par rapport à ce que nous lisons chaque jour dans nos journaux, mais qu'il analyse avec une grande profondeur :
"Certes votre loi, Seigneur, condamne le larcin, une loi gravée dans le coeur des hommes et que leur iniquité même n'abolit pas. Quel voleur accepte qu'on le vole ? Le riche n'admet pas l'excuse de l'indigence. Eh bien moi, j'ai voulu voler, et j'ai volé sans que la misère m'y poussât, rien que par insuffisance et mépris du sentiment de justice, par excès d'iniquité. Car j'ai volé ce que je possédais en abondance et de meilleure sorte. Ce n'est pas de l'objet convoité par mon vol que je voulais jouir, mais du vol même et du péché.
Il y avait dans le voisinage de notre vigne un poirier chargé de fruits qui n'avaient rien de tentant, ni la beauté ni la saveur. En pleine nuit (selon une exécrable habitude, nous avions prolongé jusque-là nos jeux sur les places), nous nous en allâmes, une bande de mauvais garçons, secouer cet arbre et en emporter les fruits. Nous en fîmes un énorme butin, non pour nous en régaler, mais pour les jeter aux porcs. Sans doute nous en mangeâmes un peu, mais notre seul plaisir fut d'avoir commis un acte défendu".
Saint Grégoire-le-Grand
Saint Augustin
Comme on le voit, rien de neuf sous le soleil ! La "sympathie" avec le mal, qui gît au coeur de l'homme, est le fruit du péché originel.** Saint Augustin a ressenti au plus intime de lui-même la puissance de cette connivence avec le mal dont seul le Christ peut nous délivrer. Il va combattre ceux qui pensent que l'homme peut s'en sortir tout seul : Pélage et ses disciples. Ce combat il le mènera jusqu'à sa mort, en particulier contre Julien d'Eclane, évêque pélagien en exil, intelligent et arrogant, qui réussira à faire sortir Augustin de son habituel mansuétude. De celle-ci, voici un exemple qui concerne ceux qui, ayant consulté une voyante ou un astrologue, prétendent que les choses prédites leur sont arrivés : " C'est vous, Seigneur, maître très juste de l'univers, qui permettez qu'à l'insu des astrologues consultés et de ceux qui les consultent reçoivent la réponse qu'il leur est avantageux d'entendre, selon les mérites cachés de leur âme, du fond de l'abîme de vos équitables jugements." Ce n'est pas une incitation à consulter les charlatans mais la manifestation d'une grande indulgence pour ceux qui cherchent ainsi à calmer leurs angoisses

** Cioran, qui n'est certes pas un père de l'Eglise... rapporte cette anecdote : "L'éminent ecclésiastique se gaussait du péché originel. "Ce péché est votre gagne-pain. Sans lui, vous mourriez de faim, car votre ministère n'aurait plus aucun sens. Si l'homme n'est pas déchu dès l'origine, pourquoi le Christ est-il venu ? pour racheter qui et quoi?" A mes objections, il n'eut, pour toute réponse, qu'un sourire condescendant.
Une religion est finie quand seuls ses adversaires s'efforcent d'en préserver l'intégrité."
d'après l'ouvrage de l'abbé Pierre Molin
"Sainte Vierge Marie
Saints et saintes de Dieu"

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